Que fait une anthropologue en entreprise ?
Lorsque je dis que je suis ANTHROPOLOGUE… On me pose toujours cette question. Voici ma réponse…
L’anthropologue, tout comme le sociologue ou le psychologue, étudie l’humain. L’anthropologie cherche à « penser et comprendre l’unité de l’homme à travers la diversité des cultures » c’est à dire saisir les invariants à travers la variation. Dans chaque groupe, on retrouve toujours par exemple des rites, des mythes, et des structures de communication plus ou moins formelles. Ces mêmes aspects existent en entreprise, en association, en administration ou dans tout autre groupe humain.
C’est pourquoi aux USA, les anthropologues sont de plus en plus demandés pour leur expertise. Après les pionniers IBM et Xerox, on en trouve aujourd’hui chez GM, Meryll Lynch et Warner. En France le rapprochement est réel mais plus lent, notamment à cause des préjugés du monde académique sur les entreprises. Pourtant, les entreprises qui font appel aux laboratoires ou cabinets de conseil, voient la valeur ajoutée pour leur expertise.
L’anthropologue est d’abord un observateur minutieux de ces éléments culturels. Il privilégie l’observation directement sur le terrain, en vivant avec le groupe au quotidien. Dans un article de HBR , Anne-Gaël Bilhaut, Marie-Cécile Girard, Olivier Wathelet parlent d’un climat de confiance : « Il s’agit d’un mode de communication privilégié, basé sur la confiance et l’empathie, garant de l’accès aux dimensions tacites ou paradoxales du vécu des consommateurs. »
Cette observation sert une analyse détaillée et lucide des dimensions si évidentes de l’organisation qu’elles en deviennent comme un bruit de fond que l’on entend plus à force d’habitude. C’est la lucidité sans concession de l’analyste qui permet de déceler les besoins réels et les possibilités latentes de l’entreprise.
Et comme dans tous les métiers, chacun a sa spécialité. L’anthropologue de la consommation étudie par exemple, les pratiques des consommateurs pour mieux adapter les produits à leurs besoins et détecter de nouvelles tendances. L’anthropologie des organisations se concentre au contraire sur le fonctionnement interne de l’entreprise. Les anthropologues ont ainsi beaucoup à apporter sur les rites d’intégration des entreprises (qui embauchent plus vite qu’il n’est possible de se sentir chez soi dans un nouveau groupe) comme sur les nouveaux modèles d’innovation.
En ce qui me concerne, après des années de recherches universitaires sur les organisations, je voulais sortir de la position uniquement critique que prennent certains sociologues, surtout envers les entreprises et le système économique. Je voulais mettre toutes ces connaissances au service d’une transformation sociétale, et changer les choses sur le terrain…
La démarche est donc d’utiliser la sociologie pour aller plus loin, plus en profondeur, adresser les vraies difficultés sans heurter les parties prenantes mais en résolvant les problèmes de fond directement.
Evidemment, chaque praticien à sa propre conception. La réflexion, encore récente, des professionnels sur l‘impact des anthropologues sur l’entreprise montre que les rapports entre les deux mondes est encore largement à penser. Et la polémique récente sur la liberté d’expression des sociologues montre que la place du socio-anthropologue dans la société est encore à construire.